Publié : 10/09/2012

Les investisseurs sont satisfaits. La Banque centrale européenne, la puissance au centre du plus grand groupe bancaire du monde, s'est engagée à soutenir les gouvernements de la zone euro en difficulté financière par des achats illimités d'obligations. Cette mesure devrait, en principe, faire baisser les taux d'intérêt et alléger les coûts d'emprunt. Mais le prix à payer est élevé : les gouvernements qui demandent l'aide de la banque centrale doivent s'engager à réduire davantage l'emploi et les dépenses dans le secteur public.

Jörg Asmussen, fonctionnaire de la BCE, a souligné que les achats d'obligations "n'auront lieu que si le pays entreprend des mesures de réforme rigoureuses. C'est une condition préalable nécessaire à l'action de la BCE". La directrice du FMI, Christine Lagarde, a renforcé le message en "accueillant favorablement" le soutien sur les marchés obligataires lié aux "programmes d'ajustement macroéconomique et à l'adhésion aux efforts de réforme structurelle et budgétaire associés."

Le schéma est désormais familier. L'arme de prédilection de la BCE a été l'attaque massive contre les services publics, les droits sociaux et les négociations collectives, organisée de concert avec la Commission européenne et le FMI (la "Troïka"). À chaque étape de l'aggravation de la crise, la BCE a programmé ses interventions de manière à obtenir une valeur de choc maximale afin de renforcer le régime d'austérité. Les attaques spéculatives étaient entièrement prévisibles, étant donné la manière dont les renflouements ont été organisés. Mais on laisse la "contagion" financière se propager. Ce n'est qu'ensuite, lorsque les marchés menacent de devenir incontrôlables et que l'opinion a été engourdie par un barrage médiatique menaçant d'une catastrophe imminente, que la BCE intervient - en échange de plus de réductions des dépenses publiques et de plus de déréglementation,

Ce jeu cynique et dangereux a déjà infligé des difficultés inutiles à des millions de travailleurs, et on vient de nous en promettre davantage. Les syndicats doivent clairement rejeter cette pilule empoisonnée du sauvetage et exiger un changement radical de politique.

La BCE dispose d'énormes ressources ; à chaque étape de l'aggravation de la crise, elle a disposé de l'argent et des mécanismes nécessaires pour repousser les spéculateurs. Elle dispose également des ressources nécessaires pour ancrer le programme d'investissement public qui est le véritable vecteur de lutte contre la crise et l'alternative à l'austérité. Les responsables politiques savent que les réductions massives des dépenses accélèrent le chômage et pèsent davantage sur les finances publiques. Ils savent également que les renflouements successifs ont laissé les gouvernements absorber les coûts dévastateurs des pertes privées. Mais ils ont une leçon à donner et une mission à accomplir.

Au début de l'année, la BCE a accordé au secteur bancaire privé un trillion d'euros de prêts pratiquement sans intérêt, sans aucune condition. Il n'y a toujours pas eu de comptabilité publique sur l'utilisation de cet argent (en fait, la BCE a admis qu'elle n'en avait aucune idée). Pourtant, les finances publiques des pays qui se soumettent aux plans de sauvetage font l'objet d'un examen microscopique afin de s'assurer que la douleur est infligée dans toute sa mesure et que des décrets sont imposés avec désinvolture pour abroger les droits des travailleurs inscrits dans les traités européens et internationaux.

L'affaire du trillion disparu n'est pas le seul mystère non résolu de la zone euro. Quel a été, par exemple, l'impact réel sur les détenteurs privés d'obligations grecques de la restructuration de la dette de février 2012 - la fameuse "décote" ? Nombre de ces obligations ont été achetées à bas prix pour offrir des taux d'intérêt astronomiques, puis assurées contre les pertes grâce à des swaps de défaut. Qui a perdu, qui a gagné et où en est-on aujourd'hui ? Combien de richesses ont été siphonnées dans les pays censés bénéficier de l'"aide" financière de la troïka ?

Ces questions n'ont pas leur place dans le récit dominant, selon lequel des technocrates apolitiques luttent vaillamment pour faire face aux forces anonymes du "marché". En réalité, la BCE et ses alliés poursuivent un agenda profondément politique, au cœur duquel se trouve un projet visant à faire reculer ou à éliminer les avancées sociales du dernier demi-siècle.

Ce programme doit être contesté et vaincu, en premier lieu en s'organisant pour rejeter le dernier programme d'appauvrissement et en intensifiant les manifestations contre l'austérité.

Oui, le système financier a besoin d'une réglementation plus forte et d'une application plus stricte. La question plus profonde est la suivante : une réglementation pour quoi faire ? L'évolution de la crise au cours des quatre dernières années, une crise qui reste aussi éloignée que jamais d'une véritable résolution, démontre la nécessité de placer la finance sous surveillance publique et sous contrôle démocratique. Affronter et vaincre le régime d'austérité est la première étape de la lutte pour faire des banques des services publics.